ENFANCE
         Je suis le fruit de l’union entre une louve delta et un humain. Je n’ai pas eu la chance de connaître mon père, il n’a jamais voulu la suivre dans la meute et n’est apparemment plus dans la zone neutre. Selon les dires de ma mère, il ne voulait pas de moi. A mon avis, il ne connaît même pas mon existence. Mais depuis, ma mère se trouva de nouveaux amants lycaons et fît même deux enfants. Je suis l’ainé, l’exemple à suivre, le modèle, le raté. Seul humain de ma fratrie, parfois c’est un peu dur de me faire respecter, je l’admets. Mais avec les loups garous, il suffit de savoir les dompter pour qu’ils vous fichent la paix. Enfin, c'est une technique risquée...

Je grandis à mon plus grand regret en voyant que je n’avais aucune des capacités que les autres avaient. A part peut-être voir de loin grâce à ma bonne vue naturelle, mes sens ne sont pas accrus et ma puissance n’a jamais été impressionnante. Toutefois, j’étais encore jeune et ignorant, je me disais qu’avec le temps ça viendrait, qu’avec le temps je deviendrai enfin l’enfant que ma mère espérait, celui qui n’allait pas lui rappeler l’homme qui nous a abandonné.

Elle n’a jamais eu l’air traumatisée par cet événement, nonobstant je pense que je ressemble grandement à mon paternel et le fait que je sois humain doit lui remémorer de nombreux souvenirs qu’elle voudrait peut-être effacer. Ou peut-être suis-je devenu cette nostalgie que les gens gardent lorsqu’ils ont le cœur brisé ?

ADOLESCENCE
         Quand les loups garous grandissent, ils cherchent à prouver leur force et leurs aptitudes, pour ma part, j’ai surtout prouvé mes capacités à survivre parmi les bagarres entre brutaux louveteaux. La plupart du temps, on ne me laissait pas faire les 400 coups avec eux parce que forcément, cela était beaucoup trop dangereux. On me l’avait dit plus d’une fois : Un Homme ne peut rivaliser face aux hybrides, cependant comme je l’ai dit, j’avais gardé espoir qu’à partir de mes 17 ans, je me transformerais une nuit de pleine lune et que tous les requis nécessaires pour être lycanthrope me tomberaient dessus d’un coup.

Comme vous vous en doutez, je nourrissais beaucoup d’espoir à voir ma vie humaine se finir pour complètement rejoindre la meute. De loin, je les regardais étaler leurs talents et leurs dons et moi, je ne pouvais qu’admirer et compter les lunes jusqu’à ce que mon jour arrive. C’est ainsi que je me suis plongeais dans un monde où je trouvais d’autres façons de m’occuper. Entouré par la nature, je lisais, j’étudiais, je m’émerveillais de la beauté de la forêt et j’y apprenais les secrets dont elle regorge. Cela n’a peut-être pas l’air aussi excitant que de courir hors du camp et de chasser, se battre, veiller, renifler les fleurs à des centaines de mètres ou encore voir les feuilles se secouer de l’autre côté de lu lac, toutefois c’était ce qui me tenait hors de de la mélancolie, hors du spleen qui m’attendait à mon chevet. J’arrivais à ne plus penser à l’épée de Damoclès qui pendait au-dessus de ma tête. J’appris aussi à me débrouiller seul, je ne voulais pas qu’on me retire complètement mon autonomie simplement pour des problèmes de génétique. J’étais peut-être faible mais pas incapable. Alors j’appris de moi-même à manier l’arc et le poignard de survie, chassant et trappant quand l’adolescent rebelle en moi se sentait près à défier les autorités pour s’éloigner un peu plus loin qu’il m’était autorisé.

Je n’étais pas un gamin facile à vivre, ça non. Ce n’est pas que j’étais insolent ou bien capricieux non, j’étais juste souvent dans mon coin, à avoir mes petits secrets, à oublier le temps qui passe et à trainer dans tout notre territoire jusqu’à ce qu’un lycaon me ramène par la peau des fesses. Souvent même, je n’arrivais pas à dépasser les portes. Alors je m’arrangeais avec ma génitrice ou mon beau-père pour qu’ils m’accompagnent mais me laissent respirer. C’était un deal que je tenais avec les adultes, une sorte de pacte pour ne pas que je me mette à déprimer. Avec les autres de mon âge, les relations étaient un peu plus compliquées. Je ne rentrais pas vraiment dans leurs conversations et m’intégrer avec difficulté, inconsciemment je ne me laissais pas cette opportunité. Toutefois, j’ai eu différentes amitiés et même relations amoureuses, menant parfois à rien et parfois à des choses plus développer. Le polyamour n’était pas quelque chose d’inné chez moi et ne l’est toujours pas. Tout comme la polygamie ou les jeux sexuels à partenaires multiples, je n’avais pas le désire d’étoffer ce genre de situation avec qui que ce soit, était-ce là aussi un requis de l’instinct animal ou ce que notre société nous apprenait en tant que lycanthrope ? Au fond, je me suis moi-même fait reclus, par honte, jalousie ou simple envie, je n’en ai pas encore la réponse.

ÂGE ADULTE
         C’était ma dernière année d’espoir et comme je m’en étais douté, rien n’avait changé. Je n’étais naturellement pas un loup. Je ne l’étais juste que de parenté. Ma mère tenta un bon nombre de fois de me faire déculpabiliser néanmoins son visage lui, me faisait toujours plus regretter.

Alors intellectuel comme je suis, je me suis reconverti dans les soins. Je suis habile de mes doigts et sais garder mon sang-froid, la vue du sang ne m’a jamais effrayé et je connais les risques encourus à soigner des loups garous. Il m’est déjà arrivé de me prendre un ou deux coups de griffes, à voir de l’agressivité dans le regard de certains de mes proches cependant jamais n’en ai eu peur. Parce que cela ne servirait à rien. Je ne peux pas m’enfuir. Je ne peux pas gagner. S’il doit m’arriver quelque chose, je veux pouvoir l’affronter de face et le menton relevé.

Je suis le fruit de l’union entre une louve delta et un humain, je n’ai pas hérité de ma mère malgré toutes les attentes que j'avais escomptées. Fragile, délicat et proie facile, un humain comme moi face à ces muscles incroyables, je ne fais pas le poids. Mais j’ai trouvé ma place parmi les miens. La meute a besoin de moi comme j’ai besoin d’eux. La seule chose que je souhaite est de pouvoir prendre soin des Iriels et peut-être pouvoir toucher à plus de liberté, mais mon statut d'humain me va finalement très bien.

Et pour être honnête, je n'aurai sûrement pas fait un bon loup garou, je préfère les chats.