Fils d'une humaine et d'un lycan, Loe ne connaîtra cependant jamais ce dernier.
Han Ji Soo faisait parti d'une meute virulente à l'égard des humains, une petite minorité fort heureusement plus discrète qu'active. Désobéissant à la hiérarchie, celui-ci tomba amoureux d'une humaine qui vivait dans un village non loin du sien. La force des choses fit qu'ils eurent un fils ensemble, mais le destin décida que cette union secrète ne pouvait durer. La meute de Ji Soo découvrit leur secret, et le pauvre loup, pour protéger sa compagne et son fils à peine né, se fit attaquer et tuer par ses semblables.
Han Lora, l'humaine désespérée d'avoir perdu son compagnon, s'enfuit aussi loin qu'elle put. Elle s'installa dans un petit village reculé de tout, dans une petite maison pourvu d'un grand terrain peu entretenu, non loin d'un bois. Elle se promit de toujours protéger son fils de la folie du monde, aussi bien des humains que des lycans.

Loe grandit avec sa mère à ses côtés. Il ne va pas beaucoup à l'école, sa mère préfère le garder chez eux, et lui apprendre à lire et à écrire elle-même. Elle a trop peur, elle ne veut pas qu'il arrive quoique ce soit à son fils. Loe, lui, ne comprend pas pourquoi il n'a pas le droit de sortir, pourquoi il ne va pas à l'école comme tous les enfants. Les villageois les prennent pour des gens bizarres, les enfants aussi.
Il joue seul, il gambade dans leur jardin, il va souvent dans les bois. Sa mère garde encore le secret sur son père, elle le trouve trop jeune pour lui avouer la vérité. Et que lui dira-t-elle? elle-même ne sait presque rien sur les lycans, si ce n'est qu'ils peuvent être dangereux. Ji Soo lui a souvent dit que l'antidote limitait les effets, et que c'est avec un apprentissage tout au long de sa vie que Loe pourra se contrôler. Mais elle n'est qu'une humaine, et elle ne sait même pas s'il a hérité des gênes de son père.
S'il était resté en vie, encore un peu, elle aurait su.

"Je ne sais pas si tu muteras ou non. Si ça arrive, je ferais en sorte que personne ne découvre notre secret."
Lora lui a avoué, et Loe est perdu. Depuis quelques années déjà, il voit sa mère changer : elle est plus nerveuse, elle devient paranoïaque. Elle ferme les volets la plupart du temps, elle reste éveillée toutes les nuits de pleine lune, elle est fatiguée, et elle divague. Elle a peur que tout le village ne connaisse leur secret, elle a peur que Loe mute, elle a peur de ne pas savoir quoi faire, elle le laisse encore moins sortir qu'avant, il ne va plus du tout à l'école. Elle est effrayée, et Loe l'est aussi.
Il ne sait pas ce qu'il va devenir, et maintenant qu'il sait la vérité sur ses origines, il a peur de finir sa vie enfermé dans cette maison, et de mourir dans cette maison, sans jamais n'avoir rien connu d'autre.

C'est la douleur qui le réveille. Une douleur qui vient de l'intérieur, des muscles, des os. Loe n'a jamais connu pareille douleur auparavant, même la pire des maladies n'est pas comparable. Il a l'impression que tous ses membres se cassent, que tout s'étire. Il crie de souffrance, il se tord de mal. Sa mère, Lora, débarque en panique dans sa chambre alors qu'il tend sa main vers elle en implorant de l'aide. Les larmes coulent sur les joues du jeune adolescent, il n'arrive pas à respirer, il se contracte et il n'arrive plus à bouger, il ne peut rien faire à part subir.
Sa mère l'aide à se lever, l'aide à marcher, et le porte presque. Il essaie d'étouffer ses cris mais c'est de pire en pire. Il ne comprend pas ce qu'il lui arrive, il cherche de l'aide dans les yeux de sa mère mais celle-ci est trop occupée à le mener à travers la maison. Elle ouvre la porte de la cave, l'assoit dans un coin. "Ça va aller, tu vas voir ça va passer. Ne lutte pas. Je serais juste derrière."
Et elle le laisse là, en fermant la porte à clé. Loe ne comprend toujours rien, il est perdu et laissé en proie à sa souffrance. Cette dernière empire, empire tellement que tous ses os craquent, son corps est brûlant, et il hurle, hurle encore. Il supplie sa mère de venir l'aider, il a des spasmes violents et il griffe les murs et le sol. La douleur l'empêche de se lever, mais sa gorge se déchire sous ses cris. La douleur est tellement forte, tellement insupportable, qu'il supplie qu'on mette fin à son mal, il supplie sa mère de le tuer.
Il passera la pire nuit de son existence, et la porte restera fermée à clés.

Loe a apprit à vivre avec ses mutations. Chaque fois que l'une d'elle survenait, sa mère l'enfermait dans la cave pour qu'il ne se balade pas dans la nature, et surtout pour canaliser cette bête à la place de son fils. Lora lui répétait que c'était dangereux. Qu'il était un danger pour lui-même, pour les humains, pour les lycans. Plus il grandissait, et plus Loe avait l'impression d'être un monstre, qu'il n'aurait jamais dû exister.
Sa mère ne pouvait pas se procurer l'antidote. Si on savait qu'elle en avait, tout le monde serait au courant qu'elle cachait un lycan chez elle. Pire, on pourrait venir le lui retirer. Ou bien cela attirerait des meutes. Elle était de plus en plus paranoïaque, si bien que la communication entre elle et son fils se rompait petit à petit. Les marques d'affections manquait, et Loe était désespérément seul et enfermé dans cette maison.
Jusqu'à ce qu'une colère noire monte en lui après une dispute violente avec sa mère. "Tu n'es pas mon fils lorsque tu es ce monstre. Ton père vivait avec ces bêtes, ce sont elles qui l'ont tué." Aucun des deux de put voir venir la mutation soudaine du jeune homme, tant et si bien qu'aucun ne réussit à enfermer "la bête" dans la cave. Aveuglé par sa colère, totalement hermétique aux paroles de sa mère, Loe n'eut aucune pitié. Il tua sa mère, et apaisa sa colère. Lorsqu'il revint à lui, l'horreur le frappa : les villageois approchaient, alertés par les cris d'effroi de Lora. Il avait peur de ce qu'il avait fait, de lui-même, qu'on le découvre, qu'on lui fasse du mal. Il était encore souillé du sang de sa mère lorsqu'il prit la fuite dans les bois. Et quand il fut sûr qu'on ne le trouverait pas, il s'effondra sous la peine.
Il pleura des heures et des heures, paralysé par le chagrin, par la peur de ce qu'il était devenu.

Loe court sans s'arrêter à travers les arbres. Il suit de près une proie qu'il a flairé il y a peu. Bientôt, elle sera à sa portée, et bientôt il va pouvoir lui sauter dessus.
Il est resté dans les bois, il avait trop peur de retourner au village, et il a essayé de surmonter le chagrin immense d'avoir tué sa génitrice, sa mère avec qui il avait vécu pendant dix-sept ans.
Sa proie est juste là, devant lui. C'est une biche qui a senti sa présence aussi. Mais Loe n'abandonne jamais sa traque.
Il a dû survivre dans la forêt, seul, et il subissait ses mutations. Il a apprit à vivre avec, à contrôler cette partie de lui, à la rendre plus sensible à ce qui l'entoure, à la nature. Il n'avait jamais rien vu d'autre que sa maison, et sa cave. Il sait maintenant que son enfermement ne l'a pas aidé à s'adapter, à accepter ce qu'il est. Aujourd'hui il sait : il n'est pas une bête assoiffée de sang. Il est simplement un animal dans un monde qui ne le comprend pas.
Il bondit, plante ses griffes dans la chair tendre de l'animal, et la tue d'un coup pour qu'elle souffre le moins possible. Il s'excuse mentalement, et emmène le cadavre avec lui.
Malgré ses cauchemars récurrents, Loe sait à présent qu'il a trouvé sa place dans la nature, qu'il n'est pas fait pour la civilisation. Il ne pourra jamais vivre avec les humains. Dans la forêt, il a apprit à survivre, non, à vivre.

Loe a parcouru des kilomètres au cours de ces dernières années. Il ne restait jamais très longtemps au même endroit. Il ne voulait pas qu'on apprenne son existence, il ne voulait pas être traqué, ni par les loups, ni par les hommes.
Mais il a grandit, il a mûrit. Ses mutations sont douloureuses, et même s'il supporte la souffrance, parfois elle est trop grande et se contrôler face à celle-ci est difficile. Elle lui rappelle trop de mauvais souvenirs qui rendent l'instant plus dur encore. Il voudrait se soulager un peu de ce poids, de ce mal qui le ronge chaque fois qu'il redevient l'animal. Il ne veut pas éradiquer ce qu'il est : cela fait parti de lui, c'est un lycan, et ô grand jamais il ne reniera sa race.
Il s'est approché d'un laboratoire, et il a presque réussit à voler quelques piqûres. Mais il n'avait pas assez côtoyé les humains pour savoir : prit la main dans le sac, le voilà à la place de la proie : traqué. Les humains sont après lui, ils sont plusieurs, beaucoup trop pour Loe. Il n'en aurait fait qu'une bouchée, mais il a directement vu qu'il ne pourrait rien contre le nombre.
Et il se fait rattraper. La suite, il préfère ne pas s'en souvenir. On le traite de bête, de monstre, on s'acharne sur lui. Il encaisse les coups et sent son sang couler. Il se défend comme il peut, il en blesse quelques uns, mais d'autres en viennent. Il est submergé, et quand il pense qu'il va mourir, les humains s'enfuient.
Ce soir-là, il apprendra qu'il est aux portes du territoire de deux meutes importantes à Namyangju. Ce soir-là, il se fera ramasser par Il Nam, se fera soigner et nourrir.

Il ne connaît rien au système d'une meute, mais il sent que c'est ancré profondément en lui ; et si en Il Nam il devait y voir un alpha, pour lui cela restera surtout celui qui l'a sauvé, et recueillit. Loe n'a pas l'habitude de vivre avec d'autres gens, aussi a-t-il eu du mal à s'intégrer, mais qu'importe, seul ou pas, il sait que désormais les Yazurs sont sa nouvelle famille. Il veut à présent prouver ce qu'il est, sa valeur, il fera tout ce qu'il faut pour être meilleur, surtout maintenant qu'Il Nam est mort.
Et ce même si ce n'est qu'un "petit sauvageon grincheux".